La mobilisation de 1939 vécue par un citoyen de Martigny

En août 1939, notre bat. fus. mont. 7 était mobilisé pour son premier cours de répétition. Aussi, c’est en service et en campagne que la mobilisation de guerre nous a surpris mais sans étonnement. Elle s’effectua tant bien que mal, depuis la prière avant la bataille qu’un des commandants de compagnie fit faire à sa troupe lors de la reprise en main, jusqu’aux chevaux et mulets de certaines unités qui attendaient en vain qu’on voulut bien, tard dans la soirée, s’occuper d’eux!

Nous passâmes quelques jours à Yvorne, Versvey et Roche; puis nous partîmes pour le val Ferret où un bivouac fut organisé à la Peulaz et aux Arrhes-dessous. L’ordre, à force de conseils donnés aux commandants de cp., dans des rapports de bataillon aussi nombreux que longs, commençait à faire face aux improvisations du début.

Soudain, la mobilisation des troupes de couverture frontière est ordonnée. Nous recevons l’ordre de quitter Ferret pour Orsières. La levée de notre bivouac fut un spectacle grandiose. Les Arrhes-dessous, où se trouvait le matériel des cp. EM et mitr., et où se déversait celui des trois compagnies fus. de la Peulaz, prirent l’aspect d’un vaste champ de foire. Le major Rochat, du haut de la route de Ferret, fit savoir au cap. Broquet et à moi-même que le bataillon, avec tous ses trains, devait avoir passé Ferret dans une heure! C’est alors que le spectacle prit de la grandeur. Le champ de foire se transformait en une ruche grouillante où durant une heure, sans une seconde de répit pour personne, les commandants de compagnies devinrent des chefs de chantier, les chefs de sections des contremaîtres, les sous-officiers des ouvriers et les soldats des bêtes de somme. Le spectacle n’avait évidemment rien de militaire, mais il était beau par la volonté qui se lisait dans l’oeil de chaque soldat. Le major Rochat dur certainement se dire, lorsque à l’heure indiquée le bataillon avait passé Ferret, qu’il arriverait à ses fins avec une troupe capable de fournir un pareil effort. Nous croisâmes, en descendant sur Orsières, les premiers contingents de troupes frontières qui rejoignaient leurs emplacements. La tenue déplorable de cette troupe, partant en guerre, nous redonna confiance dans la nôtre. A Orsières, nous attendons les événements. Le major Rochat décide de partir en reconnaissance dans la région du val d’Arpettaz. Le capitaine Broquet, l’adjudant de bataillon et l’officier de renseignement l’accompagnèrent dans cette petite promenade. Pendant leur absence, le bataillon reçoit l’ordre de quitter, immédiatement Orsières pour Evionnaz-Collonges. Le Cdt. de la Brigade mont. 10, accompagné du Cdt. de régiment, inspecte le bataillon sur la route de Sembrancher à Martigny. Il n’a pas l’air trop mécontent. Le major Rochat rejoint le bataillon à Martigny-Croix. On lit dans ses yeux qu’il est presque étonné de nous trouver au complet et dans un ordre relativement convenable. La confiance commence à naître.

Evionnaz: petit incident. Le QM, ami des simplifications, a réuni dans un même local: la chambre du Cdt de bataillon, le bureau du bataillon et le mess des officiers. Le souper manqua un peu d’entrain! Le Plt méd. Bruttin fit ce qu’il put pour rompre la glace, sans toutefois y parvenir.

Le lendemain, à Aigle, nous touchons les hommes libérés des C.R. (cours répétition). La mobilisation de guerre se passe convenablement grâce à la précision des ordres élaborés par le Cdt. de bataillon et que les commandants de compagnies font exécuter sans délai. Nous restons dans nos stationnements: Yvorne, Versvey, Roche.

Nos soirées sont agréablement occupées par des rapports de bataillon où le capitaine Richon a le don de raviver les débats languissants!

Nous nous attendons à partir d’un moment à l’autre. Chaque matin, nos malles sont prêtes, nos malles se chargent,…nos malles se déchargent chaque soir. L’EM de régiment, qui a l’humour facile, en rit! Le Cdt. de bataillon persiste et le capitaine Richon, pour une fois, se déclare d’accord sans réserves.

Enfin, départ pour Leysin, Le Sépey. Course de côte des Plt. Roduit et Schapira chronométrée par le major Naz. Puis, Leysin, la Mésange, Les Tour d’Aï. Après quelques jours, départ pour la plaine: Vionnaz, Collombey, Vouvry, Port-Valais. Présentation réussie à une prise de cantonnement de nuit par la cp. EM au Cdt Br. mont. 10, le colonel brigadier Julius Schwarz.

Ainsi se passèrent les premiers jours de la mobilisation 39/45. Le capitaine Pierre Closuit, auteur de cette relation, a vécu la mobilisation générale de 1939 à la tête de la cp. EM bat. fus. mont. 7, né de la réorganisation militaire de 1937 et formé de troupes des cantons du Valais et de Vaud.